Le Pétrole de schiste Américain nous sauvera-t-il?
La puissance d’un pays est souvent mesurée par sa capacité à générer de l’énergie. Le Gouvernement Obama (photo) avait pris à la lettre ce principe en portant à bout de bras le pétrole de schiste. Donald Trump a dignement repris le flambeau.
Depuis 2009, l’industrie de schiste a perdu des centaines de milliards $. En faisant miroiter une abondance à venir Washington et Wall Street ont réussi le tour de force à faire supporter les pertes par les banques et les investisseurs souvent étrangers.
Corolaire de cette communication, le monde a fini par croire que le schiste allait apporter une réponse définitive à nos besoins pétroliers. Qu’en est-il ?
Une demande qui arrive à 100 millions de barils par jour (b/j)
La demande pétrolière mondiale est en passe de toucher les 100 millions de barils/jour (16 milliards de litres par jour ou 5'000 piscines olympiques).
Depuis 2014, la chute des investissements d’exploration a poussé les découvertes à un plus bas jamais vu depuis 70 ans. Les pétroliers s’inquiètent de leurs capacités à satisfaire les marchés d'ici à 2020.
Si l’OPEP et la Russie semblent encore avoir une certaine marge de progression, pour 2018 et 2019, la quasi-totalité de l’augmentation de la production pétrolière hors-OPEP repose sur les USA. A eux seuls, les gisements de schiste du Bassin Permien devraient garantir les 70% de la hausse américaine.
Découvertes pétrolières depuis 1952. Les trois moins bonnes années: 2014-15-16
Source: Bloomberg
Le pétrole de schiste du Bassin Permien
Aux USA, la croissance pétrolière continue avec un niveau record de 808 forages, au plus haut depuis 2015.
Aujourd’hui, le pétrole de schiste représente le tiers des 10,4 millions b/j extrait dans le pays et son plus grand gisement, le Bassin Permien, contiendrait 35 milliards de barils.
C’est sur cette nouvelle mine d’or que tablent les pétroliers américains même si l’on ne connaît pas la quantité de pétrole qui pourra être effectivement extraite en tenant compte des considérations techniques et économiques.
Cette année, la production du Bassin Permien pourrait augmenter de 40% passant de 3,15 millions à 4 millions b/j. Cette course pousse les acteurs à exploiter les gisements les plus prometteurs et à vendre les terrains de seconde zone pour maintenir leur cash flow.
Voilà pour le tableau idyllique peint par l’industrie.
Certains signaux passent au rouge
Si le Bassin Permien n’arrive pas à concrétiser une progression mensuelle de 80'000 b/j, dès 2020 l’impact se fera sentir sur les marchés.
Dans les indicateurs, un ratio est à regarder de très près. Alors que les champs de pétrole conventionnel (Arabie, Russie) ont une durée de vie qui se calcule en décennies, la production d’un forage de schiste se limite entre 1 et 3 ans.
A l’image d’une bouteille de champagne bien secouée, la capacité d’un forage peut diminuer de 60% dès le premier mois. Dans le Bassin Permien, cette déplétion se monte aujourd’hui à 75%. Il y a une année, ce taux était encore de 62%.
L’EIA projette qu’en avril, la déplétion du Bassin Permien atteindra 195'000 barils/jour. Elle sera compensée par l’arrivée de nouveaux gisements à hauteur de 275'000 b/j. (+80'000). En comparaison, dans le Dakota du Nord, la déplétion mensuelle est de 59% soit une perte de 59'000 b/j compensée par une nouvelle production de 72'000 soit un surplus de 12'000 b/j.
La raison de cette chute brutale du Bassin Permien pourrait s’expliquer par la proximité des forages qui cannibalisent le même pétrole.
Autre signe d’inquiétude, l’augmentation de la quantité de gaz dans le pétrole. Quand le pétrole est extrait, la pression dans le réservoir diminue et le gaz contenu dans le pétrole se sépare et fini par remonter. Dans le bassin Permien, la production de gaz est cinq fois plus importante que dans le Bakken alors que sa production n’est que de 3 fois supérieure.
Finalement, alors que les exploitants se sont focalisés sur les gisements les plus prolixes, l’année à venir va pouvoir déterminer si les puits moins prometteurs pourront augmenter ou maintenir la production américaine.
C’est à ce jeu du chat et la souris que joue le schiste US et sur lequel nous planifions notre avenir.
Réactions de Donald Trump
La Maison Blanche tente bien d’anticiper le plafonnement ou l’effondrement du schiste en ouvrant les côtes américaines aux forages en haute mer, plus onéreux mais plus consistants sur la durée. Depuis cette annonce, peu d’acteurs ont marqué un intérêt. La catastrophe DeepWater Horizon et les 60 milliards $ déboursés par BP fonctionne toujours comme une piqure de rappel pour les pétroliers téméraires.
Jusqu’à la fin de son premier mandat, est que le schiste suffira à maintenir le statu de "dominance énergétique" voulu par le président Trump ? Il est trop tôt pour y répondre.
Ces signaux devraient également nous interpeler. Mais comme le souligne le directeur de l’IEA, International Energy Agency, Fatih Birol, le monde n’arrive pas à diminuer sa dépendance aux énergies fossiles. Dans les années 80, la consommation énergétique provenait à 83% des énergies fossiles. Nous en sommes à 81% aujourd’hui.
Nous pourrions bientôt voir radicalement évoluer ces indicateurs.
Paradoxalement, c’est justement à cause du manque d’énergie à empoigner de ce problème, qui nous conduira au manque d’énergie.
Pour l'instant, tous nos oeufs sont dans le même panier. Les années à venir souligneront ou pas la justesse de cette stratégie.
Sources: IEA (agence internationale de l'énegie), EIA (agence américaine de l'énergie), Bloomberg, Financial Times, Tom Whipple, David Hughes ASPO-USA
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