Consommateurs ou producteurs de Pétrole: tous dans la même Galère
Depuis 2008 et les records des prix du pétrole, l’Economie mondiale craignait le retour d’un baril à 100$ dévastateur pour la croissance. Un garde-fou digital, version 4.0, a même été instauré via le compte Twitter de Donald Trump. Dès que les marchés tendent à la hausse, le président américain envoie systématiquement un message menaçant en direction de l’OPEP.
Paradoxalement, l’attention a rarement été portée sur les pays producteurs. Par le passé, les marges entre les coûts d’extraction et le prix de vente permettaient des revenus outranciers afin de financer la paix sociale ou les dernières Ferrari. Mais depuis deux décennies, forcés de chercher un or noir de plus en plus difficile d’accès et rare, les producteurs ont dû augmenter leurs besoins en capitaux, en logistique ou en technologie. Leurs bénéfices et leur avenir se sont écroulés.
Si les rares fourmis s’en sortent, les cigales sont en train de payer cash leurs stratégies et menacent la production pétrolière mondiale.
Les cigales
Au sein des 14 membres de l’OPEP, la Libye, le Nigeria, l’Irak, l’Algérie et le Venezuela font face à de sérieux problèmes économiques et politiques. A ce club des «5 fragiles», on peut aisément y ajouter l’Iran sous embargo américain. Historiquement, la chute d’un régime rime rarement avec une augmentation de la production pétrolière comme nous le rappelle la Libye.
Ainsi, une partie des pays producteurs sont entrés dans un mode de survie dans l’attente que la hausse des marchés les sorte de ce guêpier, pour autant qu’ils n’aient pas déjà atteint leur pic pétrolier.
De leur côté, l’Egypte, le Yémen ou la Syrie n’ont pas eu le temps d’attendre. La Syrie s’est totalement liquéfiée depuis que sa production pétrolière s’est effondrée. Avant les ravages de la guerre civile, sa première source d’entrées de devises reposait sur ses 400'000 barils/jour. Son budget actuel ne peut compter que sur 16'000 b/j. au point de se demander si la destinée de ce pays n’est pas de rester un champ de ruines. Le Yémen emboite le pas tandis que l’Egypte résiste grâce à son armée.
Simultanément, deux autres pays producteurs viennent de perdre leur président : l’Algérie et le Soudan. Bien qu’il y ait une différence notable entre les deux dirigeants, un thème commun les relie: une fragilité bâtie sur la rente énergétique exacerbée par les fluctuations imprévisibles des prix.
Durant les belles années Bouteflika, les hydrocarbures ont acheté la paix sociale tant en Algérie et, par ricochet, en France.
Les Fourmis
D’autres producteurs ont pu adopter une stratégie plus conservatrice et ont opté pour épargner leurs gains en créant des fonds souverains. Les Emirats Arabes Unis, le Koweït, le Qatar ou la Norvège peuvent remercier leurs ancêtres qui avaient déclenché ce mécanisme. Il instaure une étanchéité et une marge d’absorption par rapport aux variations de prix du baril et anticipe l’après-pétrole.
Du côté des trois plus grands producteurs, le budget de l’Arabie Saoudite s'équilibre avec un baril à 88$. Plus prudente la Russie table sur 51$. A 70$, la situation actuelle contente Moscou mais crispe Riyad.
Au début des années 90, la chute du prix du baril avait précipité la capitulation de l’URSS. Vladimir Poutine a retenu la leçon. La prudence et l’austérité de son budget contraste avec les paillettes de l’Arabie Saoudite.
A l’opposé, les USA sont passés maître dans l’art d’externaliser les déficits et d’internaliser les bénéfices. Les énormes pertes du pétrole de schiste sont financées, en grande partie, par les fonds internationaux et les institutions financières comme la Banque Nationale Suisse.
Quand le pétrole était bon marché, facile à extraire et les réserves abondantes, les pays importateurs semblaient vulnérables et dépendants des dictateurs ou des pressions géostratégiques. Aujourd’hui, ces deux mondes se sont rejoints et deviennent interconnectés. La chute de l’un, entraînera l’autre. La situation actuelle dévoile que nous ne sommes absolument pas préparés au tarissement du pétrole et que nos destins n’ont jamais été aussi liés et précaires.
En 1960, le vénézuélien Juan Pablo Perez Alfonzo, membre fondateur de l’OPEP, parlait du pétrole comme de «l’excrément du Diable.»
Sa maxime semble n’avoir jamais été aussi pertinente.
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