Electricité : Entre le chaud et le froid
En se fiant aux statistiques des années précédentes, l’été 2018 devait être un grand cru et la production électrique atteindre des records. Contre toute attente, c’est l’inverse qui s’est produit. Les prix de production ont pris l’ascenseur pour remonter à des niveaux rarement atteints depuis plus d'une décennie à plus de € 9ct le kWh.
La très forte vague de chaleur n’est pas allée avec le dos de la cuillère et a fait dérailler l’ensemble du mix énergétique européen en passant par le solaire, le charbon, l’éolien et le nucléaire. Ce coup de chaud a jeté un froid.
Tous les types de production touchés
L’anticyclone, qui a campé sur l’ensemble de l’Europe, a réussi à paralyser les éoliennes de la Mer du Nord. Ainsi, l’Angleterre a ainsi eu droit à 11 jours consécutifs d’un flegme très british. Sur l'île, ce coup de mou a logiquement propulsé les prix à la hausse.
Du côté du solaire, sa performance dépend de l'ensoleillement et non pas de la chaleur. Au-delà de 25 degrés de température ambiante, le rendement des panneaux diminue. Ainsi dès 35 degrés (80 degrés au niveau des cellules) le rendement diminue de 30%. La balle est dans le camp des fabricants qui devront trouver une parade à ce phénomène.
L’eau trop chaude des cours d’eau a limité la production d’électricité de certaines centrales nucléaires. Le précieux liquide, nécessaire à refroidir les réacteurs, ne joua plus son rôle.
Du côté du charbon thermique, la forte hausse de la demande chinoise et indienne a poussé les prix de la tonne vers de nouveaux sommets. Les deux pays asiatiques, également frappées par une vague de chaleur, ont fait massivement appel au charbon pour faire tourner les installations d’air conditionné.
Hausse de la demande estivale
Alors que nous pensions que les tarifs estivaux pouvaient tendre vers zéro grâce à une surproduction bienvenue, le réchauffement climatique jette un coup de froid sur l'ensemble du mix de production et sur les stratégies énergétiques.
Pour couronner le tout, c'est au niveau de la demande qu'une tendance se dessine. Notre planète devient invivable sans utiliser de gourmands systèmes de refroidissement. Historiquement, si c’est en hiver que les besoins sont les plus élevés (chauffage), nous pouvons nous demander si nous n'assistons pas à un balancement ou un lissage annuel de la demande.
En effet, durant les mois chauds, l’utilisation, de plus en plus massive de la climatisation, pourrait faire basculer cette tendance. Détail piquant, cette équation ne comprend pas les voitures électriques qui restent encore en nombre limité.
Alors que nous pensions voir la lumière au bout du tunnel, c’est un autre train qui arrive ou une colonne de voitures électriques. C'est selon.
Evolution prix du charbon été 2018
Source: trading view
Se protéger du chaud et décentraliser la production
Afin de tenter de répondre aux contraintes du réchauffement climatique, il est nécessaire d’apporter une plus grande résilience et intelligence dans la production et la gestion de l’électricité. Avec tous les œufs dans le même panier, n'en déplaise aux grands producteurs, la centralisation dans de grandes unités de production devient de plus en plus risquée.
Une réponse viendra de l’autoproduction et de l’autoconsommation citoyenne et la création de mini-réseaux entre les habitants d’un quartier ou d’une ville. Cela permettra de s'attaquer notamment au gisement de 35% d'électricité gaspillée.
Finalement, serait-il le moment de tourner la page des constructions calquées sur les gratte-ciel new yorkais chauffés et refroidis par le dieu pétrole?
Cet été, lors d’un tour à vélo à travers l’Europe, et d’une journée à 40 degrés, j’avais demandé au propriétaire d’un gîte d’étape: "avez-vous la climatisation?" Il m’avait répondu en souriant. «Cette maison a plus de 150 ans, il n’y a pas besoin de climatisation ». Il avait raison. A cette époque Rockefeller n’avait pas encore débuté son travail d’évangélisation auprès des architectes et des constructeurs.
Prix de l'électricité par pays en 2017 (en US$)
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